Alors que dès leur apparition, les médicaments génériques ont été à l’origine de nombreuses controverses portant sur leur efficacité et leur tolérance, leur rôle est précieux pour la maîtrise de la dépense de médicament. Cependant, en dépit de leur intérêt économique, les réticences des médecins et des malades subsistent à leur égard. Point de l’Académie de médecine sur les différences possibles entre spécialité princeps et ses génériques.
Les médicaments génériques permettent de concurrencer les médicaments qui ont perdu leur exclusivité, leur brevet étant tombé dans le domaine public. N'ayant pas à supporter le poids énorme de la recherche et du développement, leur prix de vente inférieur à celui du médicament princeps, permet, en principe, de diminuer les dépenses de santé et de faciliter l'accès aux soins de populations économiquement défavorisées. Le Code de la santé publique dans son article L5121-1 précise que les médicaments génériques qui se substituent à une spécialité de référence ont la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et la même biodisponibilité que cette spécialité.
Une bioéquivalence à 5 à 7% près par rapport au médicament princeps : L'autorisation de mise sur le marché est accordée après une simple étude de bioéquivalence, sur un groupe restreint, de 12 à 36 volontaires sains, en essai croisé (« cross-over »), comparant la biodisponibilité du principe actif du produit princeps à celle du générique après une prise unique. Les paramètres comparés sont la concentration maximum dans le plasma (Cmax) et l'aire sous la courbe (AUC). La bioéquivalence est démontrée quand l'intervalle de confiance à 90% (IC 90%) du ratio princeps/générique des valeurs moyennes de ces paramètres est compris dans un intervalle (80%-125%). Cela implique que les concentrations plasmatiques d'un générique bio-équivalent ne devront pas être différentes de plus de 5 à 7% des concentrations obtenues avec le princeps. La bioéquivalence entre produit référent et générique ne signifie pas qu'il y a automatiquement une équivalence thérapeutique, en particulier lors de la substitution d'un générique par un autre.
Le générique n'est pourtant pas la copie conforme de la spécialité princeps. Mais les spécialités génériques sont soumises aux mêmes degrés d'exigences et de qualité que ceux des spécialités de référence. Une surveillance se poursuit pour les produits autorisés avec un programme d'inspection sur les lieux de développement et de fabrication et un contrôle continu de la qualité du principe actif.
Les mêmes obligations de pharmacovigilance s'appliquent à tous les médicaments, princeps comme génériques.
L'importance de la forme pharmaceutique : Les différentes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. De même, selon la définition européenne, les différents sels, esters, éthers, isomères, mélange d'isomères, complexes ou dérivés d'un principe actif sont considérés comme un même principe actif. En fait, ces différentes formes pharmaceutiques sont loin d'être équivalentes et leurs propriétés doivent être précisées au regard de la sécurité et de l'efficacité. Le générique n'est pas la copie conforme de la spécialité référente dans sa présentation, des comprimés pouvant être remplacés par des gélules, ou dans la nature de l'excipient qui doit être mentionnée dans la notice destinée aux patients.
Le changement d'excipient peut occasionner des réactions allergiques plus ou moins sévères, notamment avec les formes orales des antibiotiques à usage pédiatrique. Les malades âgés en traitement chronique peuvent être désorientés par les changements d'aspect et de dosage de leurs médicaments habituels.
En pratique clinique, il a été observé pour les antibiotiques, avec certains génériques, une moindre efficacité et un délai d'action plus long. Cette donnée d'observation se trouve confirmée pour les formes injectables, par un certain nombre de travaux expérimentaux récents.
Quel mode de substitution ? Attention, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) peut être accordée à un générique, qui se présente sous une seule forme pharmaceutique ou pour un seul dosage, même si le médicament princeps existe sous des formes et dosages différents et le pharmacien a le droit de délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité générique du même groupe à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité.
Des réticences subsistent : Malgré les garanties apportées par les instances officielles, un certain nombre de malades et de professionnels de santé ne font pas totalement confiance aux produits génériques. Aux USA, des pharmacologues de l'Université Harvard, à Boston, ont fait une enquête sur la perception des génériques par les médecins. L'étude finale a porté sur 506 médecins, dont 23% avaient une opinion négative quant à l'efficacité et 50% des doutes sur la qualité du produit. Un quart d'entre eux se refusaient à utiliser un médicament générique en première intention pour eux-mêmes ou leur famille. De son côté, l'Afssaps a contrôlé, entre 1999 et 2006, 1.658 spécialités dont 349 princeps et 1.309 génériques. Le taux de non-conformité était de 6% pour les princeps et 9,6% pour les génériques, différence jugée non significative.
Enfin, la Commission nationale de pharmacovigilance a conclu à l'absence de problèmes de sécurité particuliers, liés à l'utilisation des médicaments génériques, tout en attirant l'attention sur la difficulté de substitution des médicaments à marge thérapeutique étroite par des génériques. C'est le cas pour les antiépileptiques dont les valproates (Dépakine ®), l'acide valproïque, la lamotrigine (Lamictal ®), les anti-coagulants, les hypoglycémiants, la thyroxine ou certains médicaments à visée cardiologique.
Les produits génériques permettent de faire des économies non négligeables, même si celles- ci sont atténuées par la baisse des prix des médicaments princeps et le développement de formes princeps nouvelles, proches des génériques. L'Académie de Médecine recommande donc de promouvoir la prescription et la délivrance des médicaments génériques mais de rapprocher le plus possible la présentation du générique de celle du princeps aussi bien pour l'aspect extérieur, que par la mise à disposition des différents dosages utilisés, en évitant les excipients à effet notoire.
Communiqué Nicole Priollaud- Académie de Médecine- Rapport Charles Joël Menkès (au nom de la Commission II*) (Visuels Gemme)