La prise de décision clinique est un processus complexe, influencé par de multiples facteurs, dont la pression des pairs voire l’exposition à la publicité sur les médicaments. Cette étude de Harvard montre que lorsqu’il s’agit de prescrire un médicament contre l’insomnie l’habitude peut l’emporter sur tous les autres facteurs. Des conclusions certes basées sur la prise en charge de l’insomnie mais qui suggèrent que de nombreux cliniciens peuvent avoir des réflexes de prescription, basé sur la routine, plutôt que sur la prise en compte prioritaire des symptômes et des antécédents médicaux du patient. En effet, l’analyse, publiée dans les Scientific Reports, conclut que le modèle de prescription passé du médecin, plutôt que les caractéristiques du patient, est le prédicteur plus puissant de la prescription médicamenteuse.
Les chercheurs ont analysé 1.105 dossiers médicaux ainsi que les notes cliniques des dossiers. L’analyse montre qu’en ce qui concerne l’insomnie – mais aussi d’autres conditions- que le choix du médicament n’est pas toujours basé sur les caractéristiques individuelles du patient : les chercheurs se sont concentrés ici sur les 2 médicaments les plus couramment prescrits contre l’insomnie, le zolpidem, un médicament plus récent, plus fréquemment prescrit aujourd’hui, à bon niveau d’efficacité, mais avec effets secondaires tels que la somnolence et les étourdissements, et le trazodone, un médicament plus ancien, utilisé également contre la dépression, moins efficace pour l’insomnie mais à profil de sécurité bien établi. L’équipe a tenté de démêler les facteurs qui conduisent le médecin au choix clinique.
L’habitude prime sur le cas patient :
-En analysant les dossiers des patients et en les comparant aux données de prescriptions de chaque médecin, les chercheurs montrent qu’un médecin qui a prescrit un médicament dans le passé est alors 3 fois plus susceptible de continuer à prescrire le même médicament par la suite.
-Les patients avec symptômes de dépression en plus de l’insomnie restent un peu plus susceptibles que les patients atteints de dépression seule, de recevoir une prescription de trazodone. Un constat qui suggère que les caractéristiques des patients sont tout de même prises en compte, mais dans une moindre mesure que les habitudes de prescription.
Si l’étude souligne le poids des habitudes de prescription, elle illustre aussi la richesse des données des dossiers médicaux électroniques et l’exploitation possible de ces données pour étudier les modes de prescription des praticiens : « Les dossiers médicaux électroniques fournissent une richesse étonnante d’informations, à notre portée, qui nous permet d’analyser le comportement et la prise de décision cliniques dans le contexte de la rencontre médecin-patient », explique l’auteur principal, le Dr Zak Kohane.
Cependant on retiendra que « comme tout autre être humain, le médecin est un être d’habitude qui aura tendance à s’appuyer sur des raccourcis cognitifs pour sa prise de décision ». Bref, les médecins ne sont pas toujours rationnels.
09 February 2017doi:10.1038/srep42282 Predictive Modeling of Physician-Patient Dynamics That Influence Sleep Medication Prescriptions and Clinical Decision-Making