Les médecins du St. Michael’s Hospital (Toronto) ont ajouté une corde à leur arc. Un conseil social et financier même, apporté à leurs patients les plus démunis. L’initiative peut sembler sortir du champ de l’exercice médical et pourtant…Un des déterminants majeurs de la santé est bien le revenu du foyer. Ces conclusions positives, présentées dans le British Medical Journal Open, qui confirment chez les patients aidés une amélioration conjointe de leurs finances et de leur santé, ont vertu d’exemple et posent la question de la durée et du périmètre de la consultation médicale en soins primaires.
Le plus souvent, ces patients ont bien besoin d’être orientés vers des services sociaux ou vers des aides ou des exonérations de coûts ou de taxes, expliquent les auteurs dans un communiqué, qui rappellent que les déterminants sociaux sont des facteurs majeurs et que les processus sociaux ont eux-aussi leur incidence sur la santé des individus et des communautés. Ainsi, des données de la littérature montrent que les résultats en matière de santé suivent la courbe des revenus : les personnes qui ont un revenu inférieur ont une vie plus courte et supportent un fardeau plus lourd de maladies et de handicap que les personnes ayant des revenus plus élevés. Et, en particulier, des taux plus élevés de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de diabète, d’accident vasculaire cérébral et de certains cancers.
La détection de la précarité fait-elle partie du champ de l’exercice médical ? Si les interventions visant à améliorer la sécurité du revenu ne font pas initialement partie du champ de l’exercice médical, au Canada, les professionnels de santé sont de plus en plus engagés dans des discussions et des initiatives de réduction de la pauvreté pour améliorer la santé des patients et des communautés. Au Canada, l’Association médicale de l’Ontario a ainsi publié une série d’articles axés sur la façon dont les médecins peuvent et doivent aborder la pauvreté en tant que problème de santé. Une initiative donc qui pose question aux politiques mais aussi aux médecins et aux professionnels de santé.
L’efficacité d’un soutien aux revenus du foyer, sur ses résultats de santé : Le Dr Andrew Pinto, médecin généraliste et chercheur constate ici que 77% des patients ayant au St Michael’s Hospital bénéficié du service de promotion de la sécurité du revenu, ont concrètement pu bénéficier ensuite d’une aide pour augmenter leur revenu : 27% avaient besoin d’aide pour des soins de base, 27% avaient besoin d’aide pour un handicap et 28% avaient besoin d’une aide financière. Comment se passe ce « service de soutien » ? Le médecin généraliste détecte et oriente ses patients les plus dans le besoin vers un service de promotion de la sécurité du revenu dont les personnels ont été formés aux différents systèmes de soutien social et du revenu existants, mais aussi à la gestion des dépenses et globalement à l’amélioration de l’équilibre financier du foyer. Dans le cas de l’initiative menée au St Michael’s Hospital, la majorité des patients ayant accédé au service ont été également diagnostiqués avec de multiples problèmes de santé, y compris les troubles de santé mentale et des maladies chroniques. La plupart des patients présentaient en fait 4 à 5 problèmes de santé chroniques combinés et devaient prendre en moyenne 6 médicaments.
Précarité et inégalité d’accès aux soins : l’idée générale bien sûr, est que les patients qui ont des difficultés à accéder aux soins de santé ont également des difficultés à s’y retrouver dans les aides sociales et financières. Le médecin peut ainsi être juste un « déclencheur » qui va orienter, si besoin le patient vers des services de soutien spécialisés. Cela implique d’intégrer la détection de la précarité lors de la consultation médicale. Un point délicat et encore peu pratiqué dans la plupart des systèmes de santé. Et pourtant, concluent les auteurs :
« Nous avons constaté que cette intervention sur la sécurité des revenus forme comme une passerelle entre la santé et les services sociaux ».